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Extrait

Alexandre Dumas, à propos d'Ivanhoe

Alexndre Dumas, Mes Mémoires, 1863.
Dans ce chapitre de ses Mémoires, publiées en 1860, Dumas revient sur le choc que constitua pour lui la lecture d'Ivanhoe de Walter Scott qui lui ouvre, selon ses mots, «  d'autres horizons ». Vers 1821, lors d'un voyage à Paris pour échapper à la monotonie de sa province, il lit Ivanhoe sur les conseils de son ami Adolphe de Leuven. Dumas a lui-même traduit ce roman en 1874 aux éditions Lévy frères.

Le premier roman que je lus signé du barde écossais, c'est ainsi que cela se disait à cette époque, fut Ivanhoé. Habitué aux doucereuses intrigues de madame Cottin, ou aux gaietés excentriques des Barons de Felsheim et de l'Enfant du Carnaval, j'eus quelque peine à m'habituer au rude naturel de Gurth, le gardien de pourceaux, et aux drolatiques facéties de Wamba, le fou de Cédric. Mais, lorsque l'auteur m'eut introduit dans la salle à manger romane du vieux Saxon ; quand j'eus vu la lueur du foyer, alimenté par un chêne tout entier, se refléter sur le capuchon et sur la robe du pèlerin méconnu ; quand j'eus vu toute la famille du thane prendre place à la longue table de chêne, depuis le chef du château, le roi de sa terre, jusqu'au dernier serviteur ; quand j'eus vu apparaître le juif Isaac avec son bonnet jaune, sa fille Rébecca avec son corsage d'or ; quand le tournoi d'Ashby m'eut donné cet avant-goût des grands coups d'épée et des rudes coups de lance que je devais retrouver dans Froissart, oh ! alors, peu à peu, les nuages qui bornaient ma vue se soulevèrent, et je commençai à apercevoir d'autres horizons encore plus reculés que les premiers qui m'étaient apparus, quand Adolphe de Leuven avait opéré dans ma vie de province les changements à vue dont j'ai parlé. 

Alexandre Dumas, Mes Mémoires, Paris : M. Lévy, 1863, p. 79-90
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